La justice européenne va-t-elle provoquer un séisme en F1 ?

La justice européenne va-t-elle provoquer un séisme en F1 ?

La justice européenne va-t-elle (...)

La planète football est en agitation… et cela pourrait avoir quelques répercussions sur le monde de la F1.

Après une année de suspense, la Cour de Justice Européenne (CJUE) a rendu un arrêt qui risque de bouleverser à moyen terme l’équilibre du sport.

Un conflit opposait en effet les ligues nationales traditionnelles, ainsi que l’UEFA et la Fifa, aux promoteurs d’une « Superligue européenne ». L’objectif d’une Superligue serait de créer un championnat ne regroupant que les clubs européens d’élite (la Juventus de Turin, le FC Barcelone, le Real Madrid, le PSG, etc.), excluant les « petites » équipes nationales.

Ainsi, les plus gros clubs pourraient s’attribuer plus de revenus, sans les partager aux petites équipes (même si tous les gros clubs ne sont pas partisans de la Superligue).

La Ligue des Champions, organisée par l’UEFA, serait quant à elle directement menacée dans son existence, par la création de cette éventuelle « Super-Ligue des champions bis ».

En réaction aux clubs promouvant la Superligue, l’UEFA avait cependant menacé de sanctionner très lourdement les récalcitrants (comme le Real Madrid, meneur de la fronde), jusqu’à envisager de les exclure des compétitions européennes.

Or, les promoteurs de la Superligue ont porté plainte auprès de la CJUE, arguant que l’UEFA, et la Fifa, abusaient de leur situation dominante dans le sport européen.

Dans sa décision rendue hier, la CJUE note ceci, et cela pourrait aussi intéresser les acteurs de la F1 : « L’organisation des compétitions de football interclubs et l’exploitation des droits médias sont, à l’évidence, des activités économiques. Elles doivent donc respecter les règles de concurrence ainsi que les libertés de circulation, même si l’exercice économique du sport est caractérisé par certaines spécificités. »

Dès lors, l’UEFA et la Fifa, en menaçant de sanction les clubs voulant créer une compétition parallèle, abusent, selon la CJUE, de leur position de quasi-monopole pour organiser les compétitions entre clubs européens. Les partisans de la Superligue ont donc obtenu une grande victoire juridique hier…

Un expert du droit du sport a résumé la situation pour le journal Les Echos : « Avec cette décision, on a la confirmation d’une tendance qui penche vers le droit de la concurrence au détriment de la spécificité du sport. Il s’agit potentiellement d’un big bang, peut-être aussi important que l’arrêt Bosman » (qui avait libéralisé totalement le transfert de joueurs européens entre clubs).

Mais quel rapport avec la F1 ? C’est ce que nous allons voir…

La F1 concernée aussi par ce séisme juridique ?

La F1 pourrait ainsi être, par ricochet, visée par cet arrêt.

En effet, dans son arrêt, la CJUE note aussi ceci :« Lorsqu’une entreprise en position dominante a le pouvoir de déterminer les conditions dans lesquelles des entreprises potentiellement concurrentes peuvent entrer sur le marché, ce pouvoir doit, compte tenu du risque de conflit d’intérêts qu’il engendre, être assorti de critères propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné ».

Et la Cour poursuit : « Or, les pouvoirs de la Fifa et de l’UEFA ne sont encadrés par aucun critère de cette nature. La Fifa et l’UEFA se trouvent donc en situation d’abus de position dominante. »

Dit autrement, la Fifa comme l’UEFA n’ont pas le droit de s’opposer à l’arrivée de nouveaux organisateurs de compétitions concurrentes, sans avancer des arguments clairs.

Cette décision de la CJUE s’applique à l’entièreté du monde du sport en Europe, et pas seulement au football. La F1 pourrait être également concernée (même si le sport est officiellement basé au Royaume-Uni, ses répercussions sont telles sur le continent européen qu’il peut relever des tribunaux européens, et des équipes sont aussi basées hors du Royaume-Uni).

Première conséquence : la création potentielle d’un championnat parallèle.

On parle de plus en plus, en raison des tensions palpables entre FIA et FOM, d’une hypothèse « Armageddon » : la FOM déciderait d’abandonner la FIA pour créer son propre championnat.

Or, si la FIA décidait d’attaquer la FOM pour empêcher la création de ce championnat, il est quasiment acquis, avec ce jugement de la CJUE, que la FIA (basée à Paris) perdrait devant les tribunaux.

Si la FIA menace également des équipes rejoignant ce championnat parallèle, cela pourrait également être interprété comme une pratique anti-concurrentielle par la CJUE.

C’est donc une victoire potentielle pour la FOM et les équipes qui voudraient rejoindre le potentiel championnat parallèle.

Deuxième conséquence : l’arrivée d’Andretti et un potentiel abus de position dominante

Cependant ce jugement pourrait aussi se retourner contre la FOM. La CJUE reconnaît en effet que l’organisation des compétitions sportives et l’exploitation des droits médiatiques sont des activités économiques soumises aux règles de concurrence. Comme les autres types d’activités économiques.

Dans le cas de la F1, cela signifie que la FOM doit permettre une concurrence équitable – et ne peut pas empêcher de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché de manière injuste.

Or, contrairement à la FIA, la FOM refuse toujours (ou fait mine de temporiser) l’arrivée d’Andretti en F1. Alors que l’équipe américaine a rempli tous les critères nécessaires selon la FIA (comme ne cesse de le répéter Mohammed Ben Sulayem par ailleurs).

Dès lors, la CJUE souligne bien que les entités en position dominante, comme l’UEFA et potentiellement la FOM, n’ont pas à abuser justement de leur position dans une perspective anti-concurrentielle (pour empêcher l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché).

En tant que régulateurs, la FIA et la FOM se doivent d’assurer une concurrence libre et non faussée dans la F1. Refuser l’entrée d’un acteur, sous le seul prétexte de ne pas vouloir partager davantage le gâteau des recettes, pourrait être attaquable devant les tribunaux.

La CJUE insiste de plus sur la nécessité, pour les organisations régulatrices du sport, de suivre des critères transparents, objectifs et non discriminants : autant de facteurs sur lesquels Andretti, qui a un dossier très solide, pourrait s’estimer lésé. Cela signifie donc que si la FOM veut refuser l’arrivée d’Andretti, il faudra un dossier en béton (avec des critères objectifs, définis, équitables, et transparents), à moins de risquer une lourde défaite en justice…

En somme, cette décision surprise pourrait avoir des répercussions considérables pour le sport européen, non seulement pour le football, mais aussi en F1, constituant à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour la FOM…

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